Saint-Gervais-les-Bains, petite histoire de l’affairisme ordinaire sur fond de spéculation foncière

Il est loin le temps des valises de billets, pots-de-vin et dessous de table. Les « petits arrangements entre amis » d’aujourd’hui est plus subtile et se pare des atours de la légalité, entre « dons » , échanges de services, et « renvois d’ascenseurs » dans les limbes des flous juridiques. Mais l’argent trouve toujours son chemin pour faciliter les démarches. Et les petites mairies de province ne font pas exception. Dernier exemple en date dans les Alpes françaises ou la mairie semble savoir monnayer les terrains avec vue. Une plainte pour corruption passive est en cours de traitement.

On connaissait le maire de Saint-Gervais les Bains, Jean-Marc Peillex, pour ses outrances contre des associations environnementales. Mais personne ne pensait avoir un jour à parler corruption vis-à-vis de celui qui, il y a peu, portait même plainte contre des touristes indélicats laissant leurs immondices sur le Mont-Blanc. C’est pourtant ce qu’il ressort des dernières frasques de l’intéressé, qui semble manifestement accorder des largesses administratives aux généreux donateurs de la commune. Faut-il voir obligatoirement un lien entre les deux ? Jugeons-en donc.

En mars 2016, Vincent Gombault, financier notoire de la place londonienne à la tête du fonds d’investissement international Clipway, et propriétaire d’une chaine d’hôtels de luxe, fait don de plus d’un million d’euros à la commune de Saint-Gervais-les-Bains. Avec ce bienfaiteur tombé du ciel, et désintéressé évidemment, Jean-Marc Peillex peut commencer la réfection d’un certain nombre de monuments historiques de la commune qui tombent en ruine. Jusque-là, l’histoire est belle, et la réfection du patrimoine public sur des deniers privés, personne n’est contre, bien au contraire.

Mais peu de temps après ce geste fort sympathique, notre financier londonien s’entiche de terrains face au Mont-Blanc très propices à la construction des hôtels de luxe dont il s’est fait une spécialité. Aucun problème pour le maire qui, soucieux de se conserver les bonnes grâces de son généreux mécène, s’empresse de signer un beau permis de construire en bonne et due forme. Tant de communes luttent pour conserver de l’activité et leurs habitants ; une telle occasion de voir se développer un peu plus cette commune rurale de Savoie ne devait pas être négligée.

Si l’histoire s’était arrêtée là, il n’y aurait pas eu « d’affaire Peillex ». Mais les Savoyards sont assez regardants sur ce qu’on fait de leur environnement et de leur montagnes, et certains se sont piqués de faire quelques vérifications. Non sans mal d’ailleurs ou sans s’attirer les foudres de la mairie, jusqu’aux attaques personnelles lors des conseils municipaux.

Sans surprise malheureusement, les militants environnementaux locaux se sont rapidement aperçus que le maire s’était curieusement emballé dans cette histoire, avec un joli paquet d’irrégularités qui demande désormais des éclaircissements.

Problème numéro 1 : on est en zone naturelle protégée, on n’y fait pas n’importe quoi et seuls les bâtiments à usages d’habitations sont normalement autorisées à la construction. Exit les hôtels donc, et le maire ne pouvait pas ignorer ce détail valable pour la quasi-totalité des terrains de la commune.

Problème n°2 : grâce aux documents obtenus auprès de la CADA (Commission d’accès aux documents administratifs) après des années d’efforts des associations environnementales comme France Nature Environnement, on apprend finalement que les services d’urbanisme de la commune ont rendu un avis défavorable sur le dossier de ce permis. Comment le maire a-t-il justifié sa décision de passer outre l’avis de ses propres services, voilà une question qu’il serait intéressant de leur poser.

Problème n°3 et non des moindres, le permis de construire autorise une construction sur une parcelle, sauf que les trois chalets-hôtels de grand luxe incriminés en occupent trois. Comment imaginer que le maire ne s’est pas aperçu d’un triplement de la surface constructible autorisée ?

L’explication la plus simple étant le plus souvent la meilleure, les associations de protection de l’environnement ont déposé plainte début février pour « délivrance illégale d’un permis de construire et corruption passive ». La question de base est en effet bien celle de l’existence supposée de contreparties aux dons de 2016. Peu d’espoir de tomber sur un smoking gun ou un contrat signé d’un goutte de sang enterré dans les coffres d’une banque suisse. Mais il n’est pas idiot de poser la question. Il faut dire que la chronologie n’aide pas nos deux protagonistes, et un permis de construire litigieux, voire illégal, obtenu quelques semaines après un don généreux, ça fait jaser dans les vallées. Et n’oublions pas que s’il y a corruption passive, c’est bien qu’il y a quelque part un corrupteur actif.