Les révélations se multiplient depuis plusieurs années au sujet du géant allemand de l’assurance. Elles permettent d’établir qu’Allianz entretient dans le monde entier des pratiques de rapace, tant en interne, avec ses agents, qu’à l’extérieur envers ses clients. Si l’aigle est le logo d’Allianz, ce n’est pas pour rien. Piqûres de rappel sur une situation internationale et une histoire qui trouvent également des échos en France.
De tromperies en magouilles financières
Allianz s’est rappelé à notre mémoire en septembre dernier à travers une affaire qui montre clairement de quoi est capable le géant allemand de l’assurance. Cela se passe en Australie, loin de chez nous, mais où le cas Allianz est déjà très bien documenté. Une branche de l’assureur Allianz a vendu en Australie une assurance de voyage à caractère trompeur, promettant une couverture médicale d’urgence illimitée, quel que soit le lieu de résidence, alors même que les polices d’assurance avaient des limites de coût et d’emplacement (1). Mieux encore, la commission royale chargée d’examiner ce dossier a en outre révélé que, depuis 2012 déjà, Allianz avait inclus des déclarations trompeuses en ligne. Il a fallu des années pour qu’Allianz daigne corriger les annonces restées en ligne (2).
Pas très loin de là, en Indonésie et toujours en 2012, Allianz est punie d’une très lourde amende pour corruption. L’organe de régulation des marchés boursiers américains, la SEC, lui applique une amende de 12,3 millions de dollars pour violation de la loi sur les actes de corruption à l’étranger, le Foreign Corrupt Practices Act (FCPA). L’assureur a corrompu des gens bien placés dans des entreprises publiques indonésiennes en vue de gagner des marchés publics, ses dessous de table atteignant 650 626 dollars. Selon la SEC, cette pratique a concerné 295 contrats d’assurance liés à de gros projets gouvernementaux qui ont généré un bénéfice évalué en millions de dollars pour le groupe allemand.
Comment l’affaire se termine-t-elle ? Allianz se résout tout simplement à payer 12,3 millions de dollars à la SEC pour mettre fin aux poursuites dans ce scandale. Sans broncher, c’est plus discret. Comme si ces diverses malversations, fraudes et scandales (dont une bonne part doit nous échapper) ne suffisaient pas, il faut savoir qu’Allianz est capable d’aller encore plus loin : souvenons-nous qu’en mars 2016, à la suite du Diesel Gate qui cloue Volkswagen au pilori, Allianz a lancé une action contre Volkswagen. Le motif n’a pas grand-chose à voir avec les problèmes de pollution : Allianz demande juste à être indemnisée des pertes subies par l’action du groupe automobile, qu’Allianz détient en masse ! Une affaire qui n’est pas sans en rappeler une autre nettement plus ancienne, mais symbolique : pendant les années 30 et 40, alors qu’Allianz assure un grand nombre d’entreprises nazies et collabore activement avec le 3e Reich, l’assureur demande réparations à la fin de la guerre pour la destruction de la quasi-totalité de ses actifs, et obtient gain de cause ! (On lira à ce sujet le très instructif livre de Gerald Feldman, Allianz and the German Insurance Business, 1933-1945)
Les linceuls n’ont pas de poches… Allianz, si
En France, la situation n’est guère plus reluisante. En 2014, une amende de 50 millions d’euros est infligée à l’assureur Allianz. Le groupe Allianz s’est en effet vu condamné pour ne pas avoir produit assez d’efforts pour retrouver les ayants droit de contrats d’assurance-vie non réclamés. Il s’agit de la sanction la plus lourde jamais infligée en France par le régulateur des assurances, l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) de la Banque de France.
Allianz Vie, filiale française de l’assureur allemand, prend aussi un blâme, l’ACPR lui reprochant de ne pas avoir réglé suffisamment rapidement certains capitaux dus dans le cas de décès antérieurs à 2007. Allianz se justifie comme à l’accoutumée par un communiqué qui évite de parler des faits : « Cette décision ne reflète pas l’engagement fort d’Allianz depuis la loi de décembre 2007 en termes de moyens financiers et humains dédiés à l’identification des décès et à la recherche des bénéficiaires, ni les résultats significatifs obtenus » (3). Un peu légers les « éléments de langage » !
Dégraissage musclé…
Toujours en France, un ancien agent général d’assurances d’AGF a détaillé il y a quelques années les méthodes systématiques de pression pratiquées par le management d’Allianz. Entré chez AGF en 1992, André Ricci avait constitué un important portefeuille d’assurances d’entreprises. En 2007, Allianz rachète AGF et les pressions commencent immédiatement. En effet, André Ricci présentait le « défaut » d’être un agent sous statut de 1949, un statut avantageux en termes d’autonomie, que les compagnies d’assurances ont souhaité faire disparaître à partir de la fin des années 1990. Evidemment, le nouveau régime est nettement moins protecteur pour les agents généraux d’assurances. André Ricci découvre alors à titre personnel l’ampleur et la gravité des méthodes du harcèlement exercé par l’assureur allemand, nouveau propriétaire, « une technique bien huilée pour liquider les agents généraux où Allianz se sert de tout un tas de prétextes dans le cadre d’une politique générale, concertée en haut lieu » (4). Allianz, « pour d’obscures raisons », se met à résilier unilatéralement des contrats, même rentables, sabotant ainsi le travail des agents généraux. Les équipes d’Allianz débarque également un matin dans l’agence d’André Ricci avec n huissier et prennent tous les dossiers de ses clients. « Faussement accusé par Allianz, ma réputation est massacrée », dénonce-t-il.
Des fonctionnaires de Bercy à la Banque de France, personne n’ignore les méthodes de « dégraissage » mises en place par l’assureur allemand. Mais ils se taisent, car pendant que « le massacre des agents généraux commençait avec l’arrivée d’Allianz, les dirigeants d’Allianz/AGF France s’enrichissaient », explique André Ricci. Allianz a donc par le passé provoqué la ruine de ses agents en les diffamant en public, et, bien évidemment, ne les a dédommagés en rien pour le préjudice subi. André Ricci poursuit : « D’autres agents généraux sont en procès, en vain, depuis des années. En fait, nous sommes tous arrivés à la conclusion que cela ne sert à rien d’aller en justice, Allianz le sait. Les décisions de justice ne s’apparentent pas à celles que l’on est en droit d’attendre d’un… État dit de droit ! Mais les taxes sur les assurances rapportent tellement d’argent au Trésor Public… Ceci explique cela ! L’omerta !… Nous sommes au cœur de ce que l’on peut nommer la voyoucratie financière où l’individu n’est rien ! » Est-ce là la méthode allemande ? Et jusqu’où iront-ils ?
(1) https://www.insurancejournal.com/news/international/2018/09/17/501466.htm
(2) https://www.smh.com.au/business/banking-and-finance/allianz-admits-to-misleading-travel-insurance-20180917-p504b8.html
(3) https://www.lemonde.fr/argent/article/2014/12/22/une-amende-de-50-millions-d-euros-infligee-a-l-assureur-allianz_4544545_1657007.html (4) https://fr.sputniknews.com/societe/201407231022884268-allianz-un-ancien-agent-general-deballe-partie-1/
https://fr.sputniknews.com/societe/201407241022884393-allianz-un-ancien-agent-general-deballe-partie-2/
Reprise de l’article vu sur Bellaciao (www.bellaciao.org/fr/spip.php?article160660) puisqu’il a manifestement été retiré…